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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

gniers distincts, jadis unis dans le gigantesque pilier, et maintenant isolés, racornis, bornés à leur maigre individu. Ainsi, la forêt présente la plus grande diversité : à côté d’arbres bien venus, d’un aspect superbe et d’un port majestueux, voici des groupes dont les formes étranges évoquent devant l’imagination les monstres de la fable ou du rêve !

Bien moins divers dans leurs allures sont les hêtres, qui aiment également à s’associer en forêts, comme les châtaigniers. Presque tous sont droits comme des colonnes, et de longues échappées ouvertes entre les fûts permettent à la vue de s’étendre au loin. Les hêtres sont lisses, brillants d’écorce et de lichens ; à la base seulement, ils sont vêtus de mousse verte ; de petites touffes de feuilles ornent çà et là la partie basse du tronc ; mais c’est à quinze mètres au-dessus du sol que les branchages s’étalent et s’unissent d’arbre en arbre dans une voûte continue, percée de rayons parallèles qui bariolent le gazon. L’aspect de la forêt est sévère et pourtant hospitalier ; une douce lumière, composée de tous ces faisceaux brillants et verdie par le reflet