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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

frénésie, n’est-on pas tenté de les maudire ?

La beauté des forêts qui nous restent encore sur les pentes de la montagne fait regretter d’autant plus celles que de violents spéculateurs nous ont ravies. Sur les premières pentes, du côté de la plaine, les bosquets de châtaigniers ont été épargnés, grâce à leurs feuilles, que les paysans ramassent pour la litière des bêtes, et leurs fruits, qu’ils mangent eux-mêmes pendant les soirées d’hiver. Peu de forêts, même dans les régions tropicales, où l’on voit alterner en groupes les arbres des essences les plus diverses, présentent plus de pittoresque et de variété que les bois de châtaigniers. Les pentes de gazon qui s’étendent au pied des arbres sont assez dégagées de broussailles pour que le regard puisse s’ouvrir librement de nombreuses perspectives au-dessous des branchages étalés. En maints endroits, la voûte de verdure laisse passer la lumière du ciel ; le gris des ombres et le jaune doux des rayons oscillent suivant le mouvement des feuillages ; les mousses et les lichens, qui recouvrent de leurs tapis les écorces ridées, ajoutent à la douceur de ces