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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

qu’elles jaillissent d’une coupe de cristal au fond bleui par l’ombre. D’autres fleurs, plus sensibles, n’osent point subir le contact immédiat de la neige ; mais elles prennent soin de s’entourer d’un moelleux fourreau de mousse. Tel est le petit œillet rouge des sommets neigeux ; on dirait un rubis posé sur un coussin de velours vert au milieu d’une couche de duvet blanc.

Sur les pentes de la montagne, les forêts alternent avec les surfaces gazonnées, mais non pas au hasard. La présence de grands arbres indique toujours, sur le versant qui les produit, une terre végétale assez épaisse et de l’eau d’arrosement en abondance : ainsi, grâce à la distribution des forêts et des pâturages, on peut lire de loin quelques-uns des secrets de la montagne, pourvu, du moins, que l’homme ne soit pas intervenu brutalement en abattant les arbres et en modifiant l’aspect du mont. Il est des régions entières où l’homme, âpre à s’enrichir, a coupé tous les arbres ; il n’en reste plus même une souche, car les neiges de l’hiver, que n’arrête plus la barrière vivante, glissent désormais librement