Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

blanc linceul qui les recouvre ; çà et là, le roc, la terre ou le gazon brûlé, reparaissent à travers la couche de neige. Ces espaces noirâtres augmentent peu à peu ; ils ressemblent à des groupes d’îles qui grandissent incessamment et finissent par se rejoindre ; les plaques blanches diminuent en nombre et en étendue ; elles fondent, et l’on dirait qu’elles remontent par degrés la pente de la montagne. Les arbres de la forêt, sortis de leur engourdissement, commencent à faire leur toilette printanière ; aidés par les petits oiseaux qui voltigent de branche en branche, ils secouent le fardeau de givre et de neige qu’ils portaient et baignent librement leurs nouvelles pousses dans l’atmosphère attiédie.

Les torrents se raniment aussi. Au-dessous de la couche protectrice des neiges, la température du sol ne s’est point abaissée autant qu’à la surface extérieure, balayée par les vents froids, et, pendant les longs mois de l’hiver, de petits réservoirs d’eau, semblables à des gouttelettes dans un vase de diamant, se maintiennent çà et là sous les glaces. Au printemps, ces vasques, vers lesquelles se di-