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LES NEIGES.

cratère ; les innombrables molécules glacées que soulève la tempête s’amassent en nuages qui tourbillonnent au-dessus des sommets. Les arêtes des contours, estompées par ce brouillard de neiges tournoyantes, paraissent moins précises ; on croirait les voir flotter dans l’espace ; la montagne elle-même semble vaciller sur son énorme base. Et, dans cet immense tournoiement de la tempête qui siffle sur les hautes cimes, que devient le pauvre voyageur ? Les aiguilles de glace, lancées contre lui comme des flèches, le frappent au visage et menacent de l’aveugler ; elles pénètrent même à travers ses vêtements ; enveloppé dans son épais manteau, il a peine à se défendre d’elles. Qu’en faisant un faux pas ou en suivant une fausse trace il quitte un instant le sentier, il est presque inévitablement perdu. Il marche au hasard en tombant de fondrière en fondrière ; parfois il s’enfonce à demi dans un trou de neige molle ; il reste quelque temps, comme pour attendre la mort, dans la fosse qui vient de s’ouvrir sous lui ; puis il se relève en désespéré et recommence sa marche inégale à travers les nuages de cristaux que le vent