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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

ser les hommes qui passent sur le sentier du fond. Les hameaux, les villages, me sont à demi cachés par leurs propres fumées, brouillard d’un gris bleuâtre qui rampe lentement sur les hauteurs et se déchire en route aux lisières de la forêt.

Vers le soir, après avoir contourné plusieurs escarpements de rochers, dépassé de nombreux ravins, franchi, en sautant de pierre en pierre, bien des ruisselets tapageurs, j’atteignis la base d’un promontoire dominant au loin rochers, bois et pâturages. À la cime apparaissait une cabane enfumée, et des brebis paissaient à l’entour sur les pentes. Pareil à un ruban déroulé dans le velours du gazon, ce sentier jaunâtre montait vers la cabane et semblait s’y arrêter. Plus loin, je n’apercevais que de grands ravins pierreux, éboulis, cascades, neiges et glaciers. Là était la dernière habitation de l’homme. C’était la masure qui, pendant de longs mois, devait me servir d’asile.

Un chien puis un berger m’y accueillirent en amis.

Libre désormais, je laissai ma vie se renou-