Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

qui l’amène en tournoyant, lui fait d’abord remplir les creux, puis adoucir tous les angles, déployer sa courbe sur toutes les saillies ; à la montagne âpre, déchirée, sauvage, a succédé une autre montagne aux contours purs et adoucis, aux courbes majestueuses. Mais, en dépit de la suave douceur de ses lignes, le géant n’en est pas moins formidable d’aspect. Çà et là, des escarpements, des roches perpendiculaires sur lesquelles la neige n’a pu tenir, se dressent au-dessus des immenses pentes d’une éblouissante blancheur, et, par le contraste, leurs parois paraissent toutes noires. On se sent saisi d’effroi à la vue de ces murailles prodigieuses, tranchant sur la neige comme des falaises de charbon aux bords d’un océan polaire.

Dans cette transformation, les plaines, plus encore que les protubérances de la montagne, ont changé d’aspect. En s’affaissant de toutes parts, les neiges ont rempli les cavités, nivelé les creux, fait disparaître les accidents secondaires du terrain. Les torrents, les cascades, ont été recouverts ; tout est glacé, tout repose sous le linceul immense. Les lacs eux-