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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

Des rumeurs terribles remontent d’en bas et semblent prédire un sort fatal ; on entend la chute des pierres qui s’écroulent, des branches chargées de pluie qui grincent sur leur tronc, le sourd tonnerre de la cascade et le sinistre clapotement des eaux du lac contre ses rives. C’est avec épouvante que l’on voit la brume se charger de la sombreur du crépuscule et que l’on pense à la terrible alternative de la mort par le dérochement ou par le froid.

Sous un grand nombre de climats, l’impression d’étonnement, d’horreur même, que les montagnes laissent dans l’esprit, provient de ce qu’elles sont presque toujours environnées de brouillards. Telle montagne d’Écosse ou de la Norvège paraît formidable, bien qu’en réalité elle soit beaucoup moins haute que tant d’autres sommets de la terre. On les a vues souvent se voiler de vapeurs, puis se révéler partiellement et se cacher encore, voyager pour ainsi dire au milieu de la nue, s’éloigner en apparence pour se rapprocher soudain ; s’abaisser quand le soleil éclaire nettement les contours, puis grandir ensuite quand