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LES NUAGES.

mais en réalité la différence est-elle donc si grande ? Relativement à la vie du globe, nuages et montagnes sont également des phénomènes d’un jour. Minutes et siècles se confondent, lorsqu’ils se sont engouffrés dans l’abîme des temps.

Les nues aiment surtout à s’amonceler autour des roches qui se dressent en plein ciel. Les unes sont attirées vers le roc par une électricité contraire à la leur propre ; les autres, pourchassées par le vent dans l’espace, viennent se heurter sur les pentes des monts, grande barrière placée en travers de leur marche. D’autres encore, invisibles dans l’air tiède, ne se révèlent qu’au contact de la pierre froide ou des neiges ; c’est la montagne qui condense les vapeurs et les exprime de l’air, pour ainsi dire. Que de fois, en contemplant la cime ou quelque promontoire avancé, j’ai vu les duvets des nuages naissants s’amasser autour de la pointe glacée ! Une fumée s’élève, semblable à celle qui monte d’un cratère ; bientôt chaque piton en est enveloppé, et le mont finit par s’entourer d’un turban de nuages qu’il a lui-même tissés dans l’air