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FRANCE.

Provence. — Les créneaux des Petits monts de Savoie arrivent à peine à la moitié de la taille du Mont-Blanc, dont les neiges et les aiguilles sont la plus grande gloire de tous les panoramas de la Savoie crayeuse et calcaire. Sous différents noms, ces montagnes moyennes couvrent un charmant pays de la banlieue de Genève aux collines que l’Isère effleure au sud-est de Chambéry.

Parmi ces monts, le Salève (1 379 mètres), au midi de Genève, regarde le Léman : ce que fait aussi, presque en face de Vevey la vaudoise, la dent d’Oche (2 434 mètres), si belle, vue des heureuses villas de Lausanne. La Tournette (2 357 mètres) contemple de l’orient le ravissant las d’Annecy, que surveille de l’occident le Semnoz (1 704 mètres), « Righi de Savoie » souvent gravi pour son vaste horizon. Le Lac d’Annecy, grand de 2 500 hectares, profond de 30 mètres en moyenne, de 50 au maximum, miroite à 446 mètres au-dessus des mers ; il envoie des flots transparents au Fier, affluent du Rhône sorti d’un petit lac aux flancs du Chervin ou Grand Carré (2 414 mètres). Buvant peu de ruisseaux, et ces ruisseaux étant petits, il ne se comble qu’avec une excessive lenteur : à son extrémité d’amont il a perdu ce qu’a remplacé la plaine où coule paresseusement l’Eau Morte.

Le mont du Chat (1 497 mètres) trempe son pied dans le Lac du Bourget, chanté par Lamartine en strophes magiques ; les vers du Lac dureront aussi longtemps que le français, ou même lui survivront comme Virgile au latin. Le lac du Bourget brille à 231 mètres ; long de 16 kilomètres sur 5 de largeur, avec 80 de profondeur moyenne, 100 de profondeur extrême, il a 4 100 hectares : C’est beaucoup pour un lac français ; ce n’est rien au prix de l’étendue qu’il avait dans une ère géologique antérieure, quand le Bec de l’Échaillon tenait toujours aux roches qui lui font face de l’autre côté de l’Isère en aval de Grenoble. Alors le Rhône, qui n’avait pas encore troué le Jura vers Pierre-Châtel, s’étendait en une immense nappe où tombaient l’Isère et, près du Bec de l’Échail-