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GÉOGRAPHIE.

soirement le Territoire de Belfort ; soit environ 350 000 hectares de moins ;

Près des quatre cinquièmes de la Moselle, où l’on nous a pris environ 425 000 hectares ; nous en gardons 112 000, à l’occident, sur les frontières de la Meuse ;

Près du tiers de la Meurthe, où l’ennemi nous a pris un peu moins de 200 000 hectares, dans le nord-est ; il nous en a laissé 400 000 ou un peu plus ;

Enfin 21 500 hectares des Vosges, où les Allemands se sont contentés des vallons dont la Bruche emporte les eaux vers Strasbourg.

C’est 1 451 000 hectares et près de 1 600 000 hommes que l’Allemagne nous dérobe.

En nous laissant le Territoire de Belfort, en nous arrachant le reste de l’Alsace et quelques vallons lorrains, les Allemands sont restés fidèles à la devise : So weit die deutsche Zunge klingt[1]. « Aussi loin que sonne la langue allemande, avec ses hymnes à Dieu dans le ciel, partout où l’on marche avec fureur sur le clinquant des Velches[2], là est l’Allemagne, » dit un des chants fameux de ce peuple qui se dit pur, mais comme nous il est fait de sangs disparates, qui se dit saint, mais il est sujet comme nous à toutes les faiblesses de l’humanité moderne. Apprise dans les écoles, chantée dans les universités, bramée dans les tabagies (avec autant de droit que chez nous la Marseillaise), cette devise a fini par pénétrer les Ultra-Rhénans jusqu’à la moelle. On comprend à demi qu’ils aient cru être sévères mais justes, quand, malgré les Alsaciens-Lorrains, ils ont annexé l’orient des Vosges à la « terre merveilleusement belle sous sa verte couronne de chênes » : car l’Alsace est bel et bien de langue allemande, sauf les villages de quelques hautes vallées ; et plusieurs cantons de ce qu’ils nous ont enlevé de la Lorraine jargonnent aussi les gutturales d’un dialecte teutonique.

  1. Aussi loin que sonne la langue allemande.
  2. Des français.