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GÉOGRAPHIE.

Les Grandes-Rousses dressent leurs rocs de gneiss au nord de la Romanche ; au sud, des rocs plus hauts, des champs hivernaux plus grands, des cirques plus sinistres, des aiguilles plus dangereuses forment un monde éclatant, terrible, sublime. Et tout d’abord, au sud de la Grave, une des montagnes les plus grandioses de l’Europe, la Meije ou Aiguille du Midi, lève à 3 987 mètres un front presque inaccessible ; elle a été escaladée pour la première fois en 1877, après beaucoup de vaines tentatives. Ce Mont-Cervin des Alpes françaises fait partie du Pelvoux ; il s’élance dans le granitique pays d’Oisans, qui, s’il avait plus de forêts, vaudrait l’Oberland lui-même : sur 50 000 hectares, l’Oisans en a 16 000 ou 17 000 voués à la neige, à la glace éternelles, chaos de granits, de roches, de clapiers, d’éboulis, de moraines, de séracs, de crevasses, d’abîmes, de cascades, de ponts de neige, et de pans de glace aussi prodigieux que le sont, dans l’universellement fameux Oberland, les champs cristallisés où naissent l’Aar, les deux Lutchine et la Kander. On peut y faire bien près de 60 kilomètres sans quitter le parquet des glaces ou le tapis des neiges, depuis les cimes de la Grave jusqu’à l’Aiguille d’Olan, au-dessus des torrents qui forment le Vénéon.

L’Aiguille du Midi, sur la frontière de l’Isère et des Hautes-Alpes, n’est pas la pointe suprême de ces monts, non plus que le Pelvoux de Vallouise, qui pourtant a donné son nom au massif, à cause de la noblesse de sa double pyramide. Le premier rang dans tout le Pelvoux, dans tout l’Oisans, revient au géant détrôné de la France, à la Barre des Écrins (4 103 mètres).

Des antres de glace de ces montagnes sortent trois rivières qui ne craignent point l’été, car la chaleur du soleil fond l’hiver du Pelvoux : la Romanche court au Drac, le Vénéon à la Romanche ; la Gyronde, faite du Gyr et de l’Onde, est le torrent du beau bassin de la Vallouise, où les crétins foisonnent ; elle tombe dans la Durance, en aval de Briançon, qui est la plus haute de