Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
GÉOGRAPHIE.

pour descendre, de coude en coude, aux plaines du Lyonnais et du Dauphiné. Il n’est point éloigné de la petite ville française de Gex, il regarde la grande ville suisse ou plutôt cosmopolite de Genève, le lac Léman, le Mont-Blanc, frontière d’Italie, et l’entassement des monts helvétiques. Belvédère pour admirer les Alpes, il humilie ses 1 724 mètres devant leurs 4 810 mètres, ses crêtes devant leurs pointes, leurs cornes et leurs pyramides, ses neiges d’une saison devant leurs glaciers éternels. Nulle part on ne voit mieux la majesté des « Montagnes Blanches ». Mais si, du haut d’un pic aventureux des Alpes, on peut mépriser les lignes droites du Jura, dans les cluses, thébaïde profonde, on peut oublier les Alpes. Où vivre plus loin du monde ? Et quel pays a des eaux plus belles, des roches plus nobles et plus symétriques ?

Le plus grand parmi ses frères, le Crêt de la Neige ne les regarde pas de bien haut, car près de lui le Reculet de Thoiry monte à 1 720 mètres, et sur le même chaînon se dressent encore le Colombier-de-Gex (1 691 mètres), le Montoissey (1 671 mètres), Le Montrond (1 650 mètres), et le Grand-Crédo (1 624 mètres), qui a pour vrai nom le Crêt-d’Eau. Celui-ci n’est pas le premier venu : à ses pieds, le Rhône, qu’il serre contre le Vuache, mord la pierre du lit profond qui le dégage peu à peu de l’étreinte des deux montagnes ; à son flanc escarpé s’accroche le fort de l’Écluse ; dans ses entrailles un tunnel de 3 900 mètres livre passage au chemin de fer de Genève à Lyon ; de sa cime, on voit le Léman, le lac du Bourget, le lac d’Annecy.

Ces monts majeurs sont tous les six dans l’Ain, près de la frontière suisse ; dans le Doubs, le Noirmont (1 550 mètres), dans le Jura, le Mont-d’Or (1 463 mètres), avoisinent également l’Helvétie, ils la touchent même. Quand de cette arête supérieure, la plus orientale en France, on marche vers l’occident, et qu’on franchit l’un après l’autre les chaînons, c’est comme si l’on descendait les degrés d’un prodigieux escalier dont la dernière marche tomberait sur la Bresse et la Dombes, terres plates.