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GÉOGRAPHIE.

bâtiments ne trouvent de refuge que dans la rade extracontinentale formée par les îles du Salut.

Derrière le Littoral commence une bande large de 20 kilomètres, ou plus, les Terres Mouillées, qui furent de tout temps, depuis la prise de possession par la France (1635), le siège d’essais sans lendemain. Immergées, leurs alluvions produisent peu ou point ; desséchées, elles empestent. Nous n’avons pas su les égoutter, comme l’ont fait tout près de nous, à l’occident, de très savants maîtres, les Hollandais de Surinam. Savamment drainées, elles ne seraient qu’à demi salubres ; du moins seraient-elles fécondes.

Quand on a franchi cette première zone, on voit se dérouler au loin les Savanes et les Pripris : les savanes sont des pâturages nus avec quelques massifs d’arbres ; les pripris, des marais sans profondeur, qui deviennent pâtures quand les eaux se retirent.

Après les Savanes et les Pripris, les Terres Hautes s’en vont au loin vers le sud, couvertes de forêts, jusqu’aux monts de granit de Tumuc-Humac. Dans ces forêts de tout bois tropical, le mora, bon pour les navires, porte sa tête à 45 mètres. Du sol fait de troncs pourris jusqu’aux derniers rameaux des plus hautes branches, la nature, au bord des criques, est puissante, bigarrée, féconde, infatigable, devant des hommes indolents et presque stériles. Des Indiens, des Nègres dont les aïeux ont fui le martinet du commandeur, errent dans ces monts sylvestres et dans les savanes qui descendent vers les terres inondées.

Des petits aux grands, des bons aux féroces, des plus laids aux plus beaux, cette misérable France Équinoxiale a des animaux à foison ; c’est l’homme qui lui manque : moustiques bourdonnants et suçants ; mouche « hominivore » ou plutôt homicide[1] ; fourmis qu’un

  1. Elle entre dans le crâne par la bouche ou l’oreille, pond ses œufs, et l’on meurt de la méningite.