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COLONIES FRANÇAISES.

comptoirs sont des bourgs unis par l’intercourse de petits bateaux à vapeur et protégés par des fortins suffisants contre les Nègres, même contre les Maures.

Au sortir de la montagne, après Bakel, il coule dans une vaste plaine, large, inconstant, semé d’îles, troublé par le reniflement des hippopotames. Lui qui a percé des Alpes, il fléchit devant les sables sahariens, et, du nord-ouest, tourne à l’ouest, puis au sud-ouest.

Avant qu’il se fende en delta, deux lacs s’unissent à lui par des chenaux : l’un sur la rive droite, le Cayor, et l’autre sur la rive gauche, le Paniéfoul. Ce sont là deux sortes de Mœris du Nil sénégalais : suivant la hauteur du niveau du fleuve, ils vont à lui ou il vient vers eux par un déversoir à courant alterné.

Il serre la ville de Saint-Louis entre deux bras, l’un de 1 800, l’autre de 3 000 mètres de large ; devant cette cité 150 mètres seulement séparent de l’Atlantique sa branche de droite ; mais les vents impérieux de l’ouest dressent contre lui des sables qu’il ne peut vaincre, et le Sénégal ne se mêle à la mer qu’à dix kilomètres en aval, sur une barre funeste.

Le Sénégal ne s’est pas toujours versé, du moins tout entier, par sa coupure actuelle dans la levée des sables riverains, coupure qui d’ailleurs se porte sur divers points de la dune, de 4 à 20 kilomètres au sud de la métropole de la colonie. Un bras, maintenant oblitéré, qui s’ouvre à quelque soixante kilomètres au-dessus de Saint-Louis, le marigot des Maringouins, témoigne encore d’un cours direct vers l’Océan, que le fleuve confit toutes ses eaux à ce chenal, ou qu’il n’y fît entrer qu’une partie de ses flots, peut-être même seulement des excédants de crue.

Le Sénégal inférieur ou Sénégal des plaines subit des chaleurs mal famées, qu’on indique à tort sur nos thermomètres comme le point suprême atteint par la torridité solaire à l’ombre ou sous l’astre. Aussi les « colons » français y sont-ils encore extrêmement rares,