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GÉOGRAPHIE.

Dans des montagnes inconnues, sur le haut plateau de l’Asie, entre Chine et Tibet, naît un des puissants fleuve du monde, le Mécong. Déjà grand quand il entre dans le pays des Laotiens, il en ressort immense après avoir descendu par bonds et rapides un bruyant escalier dont les plus hautes marches sont les chutes de Salaphe et de Papheng où le fleuve s’abaisse de 15 mètres, celles de Préapatang, de Sombor, de Khon, etc. Le Mécong, qui déborde comme le Nil, qui comme lui finit en delta, n’est pas moins brisé de cataractes que le fleuve sacré dans sa route entre l’Éthiopie et l’Égypte : si bien que les Français ont abandonné l’espoir, d’abord chèrement caressé, de monter commodément jusqu’en Chine par les eaux de la magnifique rivière indo-chinoise.

Dans le Laos, le Mécong a de 1 500 à 5 000 mètres de large, avec des profondeurs de 10 à 30 mètres. À son principal « étroit », il n’y a que 200 mètres de rive à rive, au pied du mont solitaire de Phou-Fadang, mais la sonde n’y touche pas le fond à 70 mètres ; à sa plus ample expansion, cinq lieues séparent les deux bords, grâce à des îles nombreuses.

Chez les Cambodgiens, qui l’appellent Tonlé-Thon ou la Grande Rivière, il passe de son antique et immémoriale vallée dans les alluvions d’un vaste golfe qu’il a remblayé, qu’il remblaie toujours. Ces alluvions, Cambodge et Cochinchine, sont un pays fort bas, tout le long duquel le fleuve, à partir de son dernier rapide, est soumis à la marée : du moins dans les eaux maigres, Car, en temps de crue, le Mécong, montant d’une douzaine de mètres, domine d’autant le flot de la mer.

À Phnôm-Pênh, on se trouve tout à coup en présence de quatre rivières. On est aux Quatre-Bras, comme disent les Français ; aux Quare-Chemins, comme disent les Cambodgiens. L’un de ces bras, c’est le Mécong supérieur : deux autres forment la fourche du delta : le dernier, qui remonte vers le nord-nord-ouest, c’est le Tonlé-Sap, rivière de 700 à 800 mètres de large, de 12 à 20 mètres