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ALGÉRIE.

Les Étrangers balancent exactement les Français, mais :

Ils se partagent en plusieurs nationalités ;

Quelques dizaines de milliers d’entre eux, nés en Algérie, ont appris notre langue à côté des petits Français sur les bancs de l’école et dans les chères polissonneries du jeune âge ; ils la parlent aussi bien que l’espagnol, l’italien, le maltais de leurs pères, et ils l’écrivent mieux. Étrangers de nom, ils sont Français de fait ;

Ils sont guettés par la naturalisation légale, celle qui déclare Français les Étrangers nés sur le sol national d’un père qui lui-même y est né ; dores et déjà beaucoup de familles ont pour chef un Européen qui a vu le jour en Algérie, et avec le temps ces familles seront de plus en plus nombreuses.

Ils comprennent environ 93 000 Espagnols, près de 26 000 Italiens, plus de 14 000 Maltais, près de 6 000 Allemands, et 17 000 à 18 000 personnes de nations diverses : Suisses, Belges, Grecs, Juifs du Maroc, etc.

Les 93 000 Espagnols habitent surtout l’Oranie, Oran notamment, plus espagnole que française, ainsi que Saint-Denis, Sidi-bel-Abbès et nombre de bourgs de la province. Alger en possède aussi beaucoup, mais il y en a peu dans l’antique Numidie, trop éloignée des ports d’Espagne.

Nul colon d’une autre race ne vaut ces fiers hommes sobres, endurcis, ces alfatiers, ces bûcherons, ces défricheurs vivant d’une bouchée de pain, d’un ail, d’un oignon, d’un piment, d’un verre de vin, d’une gorgée d’eau. Con pan y ajo se anda seguro : Du pain, un ail, on est lesté, disent : ils. En Afrique on sourit de pitié quand on lit ce qui s’écrit sur la paresse espagnole.

En se jetant sur cette rive les Espagnols continuent sans y penser, la pioche et non plus le glaive à la main, la longue et dure et sanglante croisade que leurs pères avaient entreprise contre les Maures. Tripoli, Tunis, Bougie, Tlemcen, Oran, Alger surtout, lieu de terribles