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ALGÉRIE.

bères arabisants et les Arabes berbérisants nous viendront peut-être aussi, car partout où le sang kabyle a pénétré dans les veines arabes, la tribu a perdu son instinct nomade pour s’attacher amoureusement au sol. Cette influence du germe berbère se reconnaît avec la même puissance dans tout le nord de l’Afrique, de la dépression libyenne à l’Atlantique, de la Méditerranée aux sables sahariens.

Ainsi, l’immense majorité de la population algérienne se compose en ce moment de Berbères, montagnards qui augmentent ; d’Arabes, gens de plaine et de plateau qui probablement diminuent ; de Berbères mêlés d’Arabes, et d’Arabes mêlés de Berbères. Viennent ensuite les Maures, les Koulouglis et les Juifs, ces derniers devenus Français par une adoption générale.

Les Maures sont des urbains, de foi mahométane, d’origine extrêmement croisée ; dans leurs artères se rencontrent les sangs des Berbères, des Arabes, des Turcs, des renégats chrétiens de diverses nations, surtout d’Espagne et d’Italie. Tous ou presque tous savent le français, beaucoup l’écrivent. Rien de plus simple et de plus juste que de les naturaliser en bloc, ainsi que les Koulouglis : ceux-ci, peu nombreux, viennent du mélange des conquérants turcs avec les femmes du pays ; ils ont été nos alliés pendant la Conquête.

Les Nègres purs ne sont pas nombreux, mais jusque dans les tribus reculées on voit des signes de la race noire sur des visages arabes ou kabyles, la traite ayant de temps immémorial amené dans le Tell des Nègres du Soudan à travers le Sahara ; le Grand Désert n’a jamais effrayé les marchands d’hommes, pas plus que les forêts, les marais, les mers, ou même le péril de pendre aux vergues des croiseurs : ravir, convoyer, vendre son frère fut toujours une affaire d’or.

Dans divers ksours sahariens et dans beaucoup d’oasis, les Noirs sont la vraie trame de la population ; dans le Tell on ne les trouve qu’en très petit nombre. Employés aux travaux serviles, ils demeurent dans les grandes