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GÉOGRAPHIE.

n’ont point de noms de famille, et peu de noms propres, une foule d’entre eux s’appelant simplement Ahmed ou Mohammed, comme le Prophète. Les recensements ne peuvent donner le nombre exact des musulmans d’Algérie, beaucoup de ces Français nouveaux échappant aux listes françaises. Que de familles oubliées dans leur gourbi des ravines, que de petits clans dont on connaît à peine le nom, que de tribus arabes, que de villages kabyles portés en bloc, à mille hommes près, sur le cahier du dénombreur ! Que de nomades sahariens qu’on ne soupçonne pas plantent, le soir, leur tente sur un mamelon du Désert !

Il y a donc lieu de regarder comme inférieurs à la vérité les chiffres que nous donnent les divers dénombrements officiels.

Le recensement de 1876, le plus sérieux qu’on ait fait encore, et en même temps le dernier par ordre de date, a relevé 2 867 626 habitants. L’Algérie ayant 66 900 000 hectares, cela ne donne guère que 4 habitants par 100 hectares, la moyenne de la France étant de 70. Mais quelque avenir qu’ait évidemment le Grand Désert, en bonne justice il ne doit compter aujourd’hui que par ses oasis et ses lignes d’eau.

Désert à part, le Tell, le Steppe, le Hodna, les Oasis, en un mot l’Algérie dores et déjà nourricière s’étend sur une trentaine de millions d’hectares. En admettant 3 millions d’Algériens, au lieu de 2 867 626, à cause des oublis du recensement, la Nouvelle-France nourrit 10 personnes par 100 hectares. C’est exactement sept fois moins que la France.

Au taux de la France, l’Algérie « utile » aurait donc 21 millions d’hommes. Or, à surface égale, un pays du sud élève plus d’habitants qu’un pays du Nord. Aux gens du Septentrion il faut quatre repas par jour, des viandes saignantes, des alcools pour raviver la flamme intérieure, des vêtements chauds, des maisons closes, de la houille et du bois. Ainsi le veulent la brume et la