Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
673
ALGÉRIE.

nord-ouest de Berrian, l’une des villes mozabites, à 448 kilomètres au sud d’Alger, Laghouat, qu’entourent 18 000 palmiers, est à 780 mètres d’altitude, trop haut pour la parfaite maturité des dattes. Cette « capitale » du Sahara de la province d’Alger se compose de deux bourgs en amphithéâtre, l’un regardant l’autre, sur l’Oued-Mzi, descendu de l’Amour. En suivant ce ruisseau, qu’un barrage gonfle et met en réserve, on parcourt une vallée qui ne mène que des eaux d’orage et les flots de quelques fontaines issues de montagnes du nord et du sud, notamment du chauve Bou-Kahil (1 500 mètres). C’est sous le nom d’Oued-Djédi que l’Oued-Mzi marche au nord-est de Laghouat vers les bas-fonds du Melrir. Si ces oueds-là coulaient, ce serait un tributaire du fleuve Igharghar.

De Laghouat, qui voit le Djébel-Amour monter à son horizon, jusqu’à Aïn-Sfisifa, notre dernière oasis sur la route du Maroc, le Désert habitable a peu de largeur : il se compose de gorges cassées, au versant méridional de l’Amour, du Ksel et des autres djébels jaunes ou rouges assis à la bordure du Steppe. Ces gorges très étroites, fort tortueuses, parfois profondes, singulièrement pittoresques, sont animées par de petites rivières nées de fonts abondantes. Tel de ces défilés rappelle, avec moins d’eaux, avec plus de lumière, les cluses de la Provence ou celles des Cévennes du sud.

Près de ces fontaines, et plus bas, au bord des oueds, fleurissent des jardins à palmiers. De misérables villages, mal gardés par de branlantes murailles, languissent près de l’aïn qui est toute la vie de ces anfractuosités brûlées par le soleil du Désert. On les appelle des ksours (au singulier, ksar), c’est-à-dire bourgs fortifiés. Mais peu à peu l’eau des gorges supérieures est bue par l’air, les plantes, les animaux, l’homme ; elle entre dans les fêlures, elle filtre dans le sable, elle disparaît enfin tout à fait. On la retrouve, quand on suit le lit de son oued, à de longs intervalles, en fouillant le sol : assez pour donner à boire, trop peu pour irriguer. Toute vie cesse,