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GÉOGRAPHIE.

qu’ils y fondèrent, entre l’an 950 et l’an 1000, reçurent les noms de leurs bourgs du bas-fond d’Ouargla.

Donc, semblables aux Puritains anglais, c’est pour leur foi qu’ils muèrent leur demeure ; mais le Mzab est aussi sec que la Nouvelle-Angleterre est fraîche, et il fallait des hommes résolus pour s’arrêter dans ce chaos de rochers, sous un tel soleil.

Ce sol de pierre, heureusement, cache une eau souterraine ; et quelquefois, très rarement, les oueds de la chebka mugissent, surtout en janvier et en février. Des barrages fort solides, œuvre des Mozabites, arrêtent ces flots ; des pulls profonds descendent jusqu’à l’onde hypogée, et des jardins entourent des villes bâties amphithéâtralement sur des roches pyramidales avec une mosquée au sommet. De ces cités, la plus grande, Ghardéia, sise à 530 mètres, peut bien avoir 11 000 âmes. Les jardins sont magnifiques : spectacle inattendu quand on les voit des corniches flamboyantes qui contemplent le cirque des Béni-Mzab, ils ont ensemble 180 000 palmiers.

La force du Mzab vient de sa pauvreté. Ces craies calcinées sont comme la Savoie gélide, la volcanique Auvergne, l’humide Limousin. Les Mozabites fuient le Mzab et ce peuple de 32 000 hommes remplit de ses émigrants Alger et mainte ville du Tell d’Algérie et de Tunisie. Bouchers, fruitiers, baigneurs et masseurs, courtiers, banquiers, usuriers, ces fils du Désert, qui parlent un dialecte berbère et qui savent tous l’arabe, apprennent aussi le français, et beaucoup même l’écrivent. La plupart faisant fortune, peu à peu cette race travailleuse étend son argent, son influence au midi de sa blanche Heptapole[1], notamment sur Ouargla. Nul doute que les Mozabites, maîtres des trois langues de l’Afrique du Nord, ne soient avant longtemps nos meilleurs pionniers dans le Désert et jusqu’au pays des Noirs.


3o Laghouat. Les Ksours. — À 128 kilomètres au

  1. Le Mzab a sept villes.