Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/665

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
662
GÉOGRAPHIE.

on, des Romains. Elle est à 234 kilomètres au sud-ouest de Constantine, à 123 mètres au-dessus des mers, au pied de monts aurasiens : massif sans forêts qui s’appelle Ahmar Khaddou, la Joue Rouge. Si son torrent gardait toujours l’énorme flot que certains orages poussent dans son lit, il supprimerait au loin la solitude, mais en temps ordinaire il s’arrête en amont de Biskara ; et alors les palmiers qui doivent avoir « la tête dans le feu, le pied dans l’eau », sont arrosés par des sources voisines donnant 180 litres par seconde. Il y a deux cent vingt ans ou à peu près, une seule épidémie fit mourir, dit la tradition, 71 000 Biskariens : « la reine des Liban » était donc alors une grande ville ; aujourd’hui c’est une bourgade.

On nomme Zibau, pluriel de Zab, les oasis du pied de l’Atlas à l’est et à l’ouest de Biskara. Il y a trois Zab, le Zab oriental, le Zab du sud, le Zab du nord, faits de pauvres villages en terre séchée au soleil, en toub[1], chacun dans son oasis, chaque oasis au bord de sa source. Parmi leurs bourgs, trois sont célèbres, Sidi-Ikba, Zaalcha, El-Amri : à Sidi-Okba, les Musulmans révèrent le tombeau d’Okba-ben-Nafé, l’Arabe qui conquit en courant le Moghreb au septième siècle, jusqu’à l’Atlantique : là il lança son cheval dans les flots pour attester qu’il ne lui restait plus de terre à soumettre. Zaatcha rappelle un siège mémorable, un assaut terrible (1849) où coula plus de sang français que n’en boivent d’habitude les combats africains. El-Amri est le lieu de la dernière révolte qu’il ait fallu dompter en Sahara. Des masures de ces jardins de palmiers, du sein de familles où les lépreux, les borgnes, les aveugles foisonnent, il sort des émigrants qui vont se répandre au loin dans les villes du Tell, où nous les appelons Biskris, de Biskara, leur Paris : ils y sont canotiers, porteurs d’eau, portefaix, comme les Gallegos à Lisbonne et les Auvergnats à Lutèce ; beau-

  1. Toub, c’est l’adobe des Espagnols.