grés et des chaleurs de 40, 45, 48 ; vents infatigables secouant plus de poussière qu’ils n’amènent de pluie, comme chez nous le turbulent mistral.
Est-ce à dire que ce pays rude puisse échapper au destin du Tell qui est d’élever une grande nation ? Non : ce climat dur est sain par la sécheresse de l’air et l’altitude des sites ; ses pâturages aromatiques peuvent entretenir à millions les moutons et les bœufs ; le térébinthe y croit à merveille, et comme lui plus d’un arbre capable avec le temps de former des forêts ; la vigne peut s’emparer de ses mamelons ; de ses calcaires, de ses craies il sort de magnifiques fontaines : ainsi, par exemple, à Chellala, bourg sis à quelques lieues de la rive gauche du Chéliff des Steppes, une grotte épanche allègrement toute une limpide rivière ; le Tell n’a point de plus bel aïn, il n’a peut-être pas d’aussi beaux jardins. L’impuissance du Steppe, son destin fatal de ne supporter que des pasteurs errants de mare en mare et de citerne en citerne, tout cela c’était de la fable. Que de plateaux chez nous n’ont tant de sol créateur, sous un soleil moins capable de prodiges !
Pour ne point dépasser la réalité du moment, la Lande algérienne a déjà sa richesse, l’alfa[1], dont on fait surtout du papier ; cette plante y couvre non pas des milliers, mais des millions d’hectares ; des chemins de fer vont unir le littoral de la Méditerranée au rivage de ce que parfois on nomme la Mer d’alfa : Rachgoun à Sebdou, Arzeu à Saïda, Tiaret à Mostaganem, Alger à Aïn-Ouséra ; l’un d’eux est livré, celui d’Arzeu à Tafraoua par Saïda. Le Maroc, Tunis, Tripoli, d’autres pays encore arrachent des alfas, mais il ne semble pas qu’ils en possèdent autant que notre Tell, surtout le Tell oranais où des milliers d’alfatiers recueillent ce trésor inattendu : principalement des Espagnols habitués par l’Espagne elle-même à la récolte de cette sorte de plante, commune dans l’o-
- ↑ Ou plutôt khalfa, avec une forte aspiration.