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GÉOGRAPHIE.

allemand[1] en a vu dans les restes d’un lac du pays des Touaregs. Hier, huy, demain, sont les trois formes de la Terre.

La Medjerda n’a guère chez nous que 100 kilomètres, sur un cours de 365 kilomètres, qui serait de 485 en partant de l’aïn le plus reculé de l’affluent mi-français, mi-tunisien, qui s’appelle Oued-Mellègue. Elle sort de montagnes de 1 200 mètres, et, à peine formée, coule devant Khamissa, jadis Thuburs Numidarum, lieu de ruines romaines, à 940 mètres ; plus bas elle passe à 4 kilomètres de Souk-Harras, ville à 680 mètres qui sous les maîtres du monde s’appela Tagaste et vit naître saint Augustin.

En Tunisie, la Medjerda coule en replis dans une des vallées les plus amples du Tell, des plus fécondes à coup sûr : là, sur ses deux rives et sur celle des oueds latéraux, dans ce qui fut le jardin de Carthage, on ne compte pas les ruines qu’a laissées l’égorgeuse des Carthaginois, Rome. Ce ne sont qu’aqueducs, citernes, temples, cirques, arcs de triomphe, thermes, voies de tombeaux, toute une civilisation brillante envahie de plus en plus par les figuiers de Barbarie, les buissons, les broussailles. De beaucoup de ces villes on ne sait même plus le nom, et de plusieurs dont on sait le nom il ne reste rien, ou seulement des décombres entre les oliviers, dans les maquis, dans les champs d’orge et de blé. Suivie par le chemin de fer d’Alger à Tunis, la Medjierda, qui n’est pas une onde pure, va tomber en mer auprès d’un site glorieux, Utique, fille de la Phénicie, construite avant Carthage elle-même sur un golfe qu’ont effacé les limons du fleuve.

En Tunisie, elle engloutit une rivière plus longue qu’elle de 120 kilomètres, mais plus faible, pour avoir serpenté sur des plateaux plus secs : cette rivière, le Mellègue, a près de 170 kilomètres sur notre terri-

  1. De Bary.