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GÉOGRAPHIE.

disloquée en 1819, Blida détruite en 1825, Djidjelli jetée par terre en 1856, Mouzaïaville et les villages voisins culbutés en 1867, c’est en moins de cent ans assez de catastrophes, pour que, dans l’établissement de leurs villes, les Français d’Afrique songent soucieusement à la fatale mobilité du sol ; et pourtant, plusieurs de nos cités algériennes sont des défis à l’équilibre, des échafaudages, des châteaux de cartes : les siècles n’useront point leurs dents à les ébrécher, il suffira peut-être d’une seconde pour les réduire en poussière. À Alger, à Oran, nous imitons grossièrement Paris et ses maisons-casernes ; nous n’élevons rien d’élégant, rien de souple, rien de fort dans le pays où nous détruisons les pleins-cintres romains et les arceaux mauresques ; pourtant il serait beau de marquer son passage par ces monuments qu’on dit éternels bien que leurs heures soient comptées : « Toutes blessent, la dernière tue ! »

La côte à l’est de Djidielli reçoit trois torrents, le Djindjen, le Nil et l’Oued-el-Kébir : le Djindjen, fils des Babor, est un oued fantasque au fond d’une immense ravine ; comme les autres rivières de cette montagne, il a toujours de l’eau pour ses cataractes ; le Nil coule également dans des gorges profondes, aussi court que le Père de l’Égypte est long ; il est torrent ou ruisseau suivant la saison.

L’Oued-el-Kébir (225 kilomètres) ne s’appelle ainsi que dans le bas de son cours. Son nom, dont celui du Guadalquivir andalou n’est qu’une corruption, signifie la Grande Rivière, mais les Arabes sont les rois de l’emphase et il y a dans le Tell maint Oued-el-Kébir sans eau. Avant d’arriver à Constantine, il change six ou sept fois de nom, suivant l’usage arabe. Issu d’un massif de moins de 1 500 mètres peu éloigné de Sétif, il se promène d’abord dans les larges terres à blé des Abd-el-Nour, qui se continuent vers l’ouest jusqu’aux portes de Sétif par la plaine des Euima, non moins fertile en grains. Les Abd-el-Nour ou Serviteurs de la Lumière, tribu de