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ALGÉRIE.

on achève en ce moment, à son issue de l’Atlas, une digue dont le réservoir arrosera l’orient de la Métidja. Au delà du Boudouaou, descendu du Bou-Zegza, les terres s’élèvent : collines encore à la bouche de l’Isser Oriental, elles se font montagnes à l’embouchure du Sébaou, près de la ville de Dellis.


L’Isser Oriental (200 kilomètres), extrêmement tordu, coule d’abord dans le haut pays des Béni-Sliman, entre Aumale et Médéa. Grossi d’oueds sans nombre qui, malheureusement, sont des ueds, comme le dit un jeu de mots célèbre[1], il a depuis longtemps atteint toute sa grandeur quand il arrive devant Palestro, bourg que porte un coteau, dans une boucle de l’Isser. Ici, ce nom de victoire rappelle un désastre, en 1871, qui fut l’ « Année Terrible » de l’Algérie autant que celle de la France. Des bandes furieuses, Arabes et Kabyles, se ruèrent alors contre cette colonie que dominent, sur une rive des versants rougeâtres, et sur l’autre rive le Tégrimount (1 028 mètres), pic pointu des Béni-Khalfoun ; elles égorgèrent la moitié des pionniers qui avaient fondé le village près du vieux pont turc de Ben-Hini. Mais déjà Palestro s’est relevé de ses ruines.

Au-dessous de Palestro, l’Isser Oriental s’enfonce dans une gorge où il n’y a place que pour fui : la route d’Alger à Constantine, qui suit la rivière, a été conquise à la mine dans la dureté du roc, immense paroi crayeuse d’où glissent des cascades. Çà et là, sur les corniches, dans les fissures et les brisures, des herbes s’accrochent, et aussi des broussailles et des arbustes où les singes dégringolent quand ils viennent boire au courant de l’Isser. De ce défilé superbe la rivière passe dans une vallée féconde, pleine de colonies nouvelles.

  1. Un ued est un oued sans o (sans eau).