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ALGÉRIE.

cité, la rive est peu frangée ; des monts la serrent de près, hauts de plus de mille mètres et qui rattachent au Dahra le massif du Zaccar et des Béni-Ménasser ; on, les appelle monts des Zatima, d’après une tribu berbère campée sur leurs cimes entre l’horizon de la mer et celui du Chéliff. Cherchell, qui sans doute sera peu dans l’avenir, fut beaucoup dans le passé : qui reconnaîtrait dans cette bourgade la Julia Cæsarea des Romains, la résidence de Juba II, la capitale de la Mauritanie Césarienne où l’on admirait plus de monuments bâtis pour les siècles que nous n’y voyons aujourd’hui de baraques administratives ? Son port, très petit, n’admet que des bricks de 100 à 150 tonnes, par 3 à 4 mètres d’eau.

Au delà de Cherchell on côtoie d’abord le Chénoua, beau mont de 861 mètres ; puis on passe devant Tipaza, qui fut une ville romaine et n’est plus qu’un village français, à l’issue occidentale de la Métidja. On longe ensuite le Sahel. Ce mot arabe veut dire côte, et par extension massif littoral ; il désigne ici de hautes collines où les Français ont de bonnes colonies, sous un climat sain venté par la brise de terre et la brise de mer. Sa cime la plus élevée se dresse près de Tipaza : resserrée entre la Méditerranée et les sillons qui ont remplacé les eaux miasmatiques du lac Halloula, elle porte un monument célèbre : le Tombeau de la Chrétienne. Malgré son nom, cet énorme édifice, qui de loin ressemble à un coteau sur un autre coteau, ne couvre point les os d’une servante du Christ ; c’est la sépulture, la « grande Pyramide » des rois de la vieille Mauritanie ; bâti probablement par Juba II, il est moins ancien que le Médracen, qui paraît lui avoir servi de modèle : le Médracen, le Tombeau de Madrous, s’élève dans la province de Constantine, sur le plateau sillonné de monts nus, de lacs salés et d’oueds souvent taris que traverse le route de Constantine à Batna ; ce serait le sépulcre des rois numides, et Micipsa l’aurait dressé pour honorer Massinissa, son père.