Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
GÉOGRAPHIE.

nolithique, sans beaucoup de bois, presque tout en prairies, haut de 1 754 mètres. Il règne sur un chaos de croupes, d’aiguilles, de plateaux, d’abîmes, dans le petit univers boursouflé, scié, fendu, qui va de la Loire, faible encore et très éloignée de l’Atlantique, au Rhône tout-puissant et voisin de la Méditerranée. Jadis il contemplait des scènes plus terribles, quand les fleuves de roche fondue, partis sinon de son flanc, du moins des montagnes voisines, descendaient lentement à chaque crise des volcans sur les granits et les gneiss, ou sur les laves que de plus anciennes éructations des cratères avaient déjà maintes fois répandues sur le sol antérieur.

C’est d’un village de la Haute-Loire situé à 1 344 mètres qu’on fait habituellement l’ascension du Mézenc. Ce village, les Estables, nos livres et nos cartes devraient l’appeler à la française les Étables, sans qu’il en souffre auprès des délicats : à une telle hauteur, sous un pareil climat, dans de si longues neiges, l’écurie, par sa douce chaleur, est le palais des montagnards. Les Étables ont quelque célébrité dans la science, non qu’un savant y ait vu le jour, mais les barbares du lieu tuèrent au siècle dernier l’aide de Cassini qui venait mesurer le Mézenc. Comme l’Afrique centrale, la France a dévoré des explorateurs.

Les monts du Mézenc ne furent pas la seule source des roches d’abord liquides, puis figées, recouvrant maintenant les divers chaînons ardéchois qu’on rassemble parfois sous le nom de Tanargue, d’après la montagne qui se dresse au nord-ouest de Largentière, au nord de Valgorge, entre deux affluents de l’Ardèche : la Baume au sud, l’Alignon ou Lignon au nord. D’autres cratères indépendants de ce grand centre d’éruptions ont aussi bavé des matières ; il en est sorti de larges, d’épaisses coulées, qui ont bordé, barré, rempli d’antiques vallées serrées dans les granits et autres roches dures, le long de l’Ardèche, de ses tributaires et de ses sous-affluents. Ces coulées, ces basaltes qui souvent sont bleus, ces