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GÉOGRAPHIE.

golfe bat la plage des Andalouses, qui est Le Sidi-Ferruch d’Oran : comme l’armée qui prit Alger débarqua sur le rivage de Sidi-Ferruch, et marcha sur la ville des pirates par les ravins du Bouzaréa, de même un ennemi pourrait débarquer aux Andalouses et marcher sur Oran par les ravins du schisteux Merdjadjou, ou chaîne de Santa-Cruz (584 mètres) ; mais de cette montagne escarpée il est facile de faire une place d’armes inviolable. Au cap Falcon, d’où luit un phare, commence le golfe d’Oran, qui renferme un des meilleurs ports naturels de l’Afrique française et la capitale d’une de nos trois provinces : ce port est Mers-el-Kéhir ; cette capitale, Oran.

Mers-el-Kébir, à 7 ou 8 kilomètres d’Oran, n’est que forts et casernes accrochés à un éperon du Merdjadjou qui garde sa rade des vents du nord. Le voisinage d’Oran la tue, d’Oran qui sans doute n’existerait même pas, sur sa rive dangereuse, si la source de Ras-el-Aïn, dont l’excellence est grande, n’avait fait naître dans un étroit ravin la cité devenue la métropole de l’Ouest. Mers-el-Kébir, dont le nom mérité veut dire le Grand Port, peut devenir un Gibraltar africain.

Oran, plus espagnole aujourd’hui que française, en même temps qu’arabe, juive et nègre, est un mauvais port que la nature combat, que l’art des ingénieurs défend. Place très commerçante et qui grandit à vue d’œil, elle est pressée dans des ravines, penchée sur des talus, assise sur des plateaux, juchée sur des escarpements dominés par les rochers nus et la naissante forêt de Santa-Cruz. Le tremblement de terre qui la culbuta vers la fin du siècle dernier n’eut pas la force de fendre les châteaux puissants bâtis sur les ressauts de la montagne par les Espagnols, alors ses maîtres, et ces beaux castillos la surveillent encore. Le plateau que couvrent ses quartiers du sud se continue par une plaine rougeâtre, nue, monotone, qui finit au pied du bleu Tessala ; les eaux de cette plaine vont à la Sebkha d’Oran, misérable lagune de 32 000 hectares, qu’on pourra vider entière-