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ALGÉRIE.

ou d’une fontaine salée, quand il change de teinte par suite du passage dans un autre terrain ou du confluent d’une rivière autrement colorée, quand les parois de son lit sont rouges, jaunes, blanches, noires ou grises.

Aucun n’est navigable, mais tous peuvent irriguer les alluvions riveraines, Les aïn (sources[1]) et les ras-el-ma (têtes de ruisseaux), les barrages que, dans un tel pays, il est facile d’enraciner à l’issue des gorges, transformeront cette Afrique « au sol d’airain qu’un ciel brûlant calcine »[2]. Sur les terres durcies par la chaleur l’eau créera des jardins intenses, les vignes fleuriront sur des versants maintenant décharnés la forêt reverdira. Jadis, conte la légende, on pouvait aller de Tanger à Tripoli sans souffrir du soleil ; il serait facile aujourd’hui de faire ce voyage sans trouver d’ombre.

Les bassins des fleuves algériens sont fort courts, par l’étroit embrassement de la montagne et de la mer : toutefois le Chéliff a plus de 650 kilomètres.

À grandes lignes, sans les sinuosités secondaires, le littoral du Tell français a 1 000 kilomètres. Il donne sur la Méditerranée, simple golfe de l’Océan, avec lequel elle communique au détroit de Gibraltar. Sans le grand courant qui verse le flot vert de la mer de Bretagne dans le flot bleu de la mer d’Algérie, nous verrions sécher peu à peu le lac qui sépare les deux Frances : si la nature soudait le promontoire de Tarik[3] à la côte africaine par une convulsion du sol, par un subit enfantement de roche ou par la lente poussée des siècles, la Méditerranée descendrait comme la Caspienne au-dessous des Océans ; insensiblement elle abandonnerait ses rivages, bien qu’elle boive le Rhône, le Pô, le Nil et la rivière amère de Stamboul, le Bosphore, où passent à la fois le Don, le Dniéper et le Danube.

  1. Le vrai pluriel de ce mot arabe devenu français c’est aïoun.
  2. Victor Hugo.
  3. Gibraltar.