Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/601

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
598
GÉOGRAPHIE.

un climat délicieux, tempéré suivant les heures par la brise de terre ou la brise de mer. Bône, Philippeville, Bougie, Alger, Oran, ont une moyenne annuelle d’environ 18 degrés, avec seulement deux saisons : un hiver amenant beaucoup de pluies, un été qui n’en apporte point. Ces pluies hivernales tombent de nuages qui n’attristent pas longtemps l’azur africain, elles sont mêlées des sourires du soleil, et la neige est une rareté sous ce ciel indulgent. L’été prend à ce que nous appelons printemps, à ce que nous nommons automne tous les jours que ne réclame pas l’humide saison ; il y a telle année où il empiète sur l’hiver lui-même : si bien qu’alors, accablé par « le spleen lumineux de l’Orient », l’Algérien soupire ardemment après l’eau du ciel : orages, brouillards, pluies, neiges même, il demande aux nues de ternir la voûte enflammée.

Bienheureux les peuples assis au bord d’un Nil qui sort de son lit pour féconder et non pour détruire ! L’homme du Tell n’a que des torrents soudains, qui passent, qui rongent leur rive et l’emportent vers la mer bleue. C’est qu’il y pleut par caprices, par grands orages, pendant quelques minutes, quelques heures, rarement plusieurs jours de suite, sur une terre sèche et fendue. Ces averses, on les bénit, elles viennent ranimer les jardins, faire naître l’orge ou l’avoine ou le blé, rendre le frais murmure aux fontaines. Un hiver sec fait du Tell un plancher d’airain, mais un hiver humide rend aux vallées la fraîcheur qui valut à ce rivage africain le nom d’Ef-Khodra, le Verdoyant, donné jadis par les Arabes de l’invasion ; sur le littoral algérien, la chute annuelle des pluies est moindre à l’ouest qu’au centre, au centre qu’à l’est : si 500 millimètres en moyenne mouillent annuellement la rive oranaise, 700 à 800 tombent sur la rive algérienne, 800, 1 000, 1 100 sur Bougie, Djidjelli, Philippeville, Bône. Mais cette progression n’a lieu que sur la côte ; dans l’intérieur, sur les plateaux de Sétif et de Batna, il ne pleut pas autant qu’à Tlemcen ou même à Oran, et cela malgré l’altitude plus grande du sol. C’est parce que des montagnes cachent la mer à ces villes