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FRANCE.

çaises ; les oliviers, les vergers, les châtaigneraies, çà et là des champs et des prés, s’empareraient du reste.

Ce qui n’est pas maquis ou grand bois appartient surtout à la châtaigne et à l’olive. Le châtaignier, dont l’habitant vit, ainsi que du lait, du fromage des brebis et surtout des chèvres, protège d’une ombre épaisse les villages contre le soleil : ceux-ci, presque toujours, sont accrochés à des penchants de mont, ils sont vissés à des parois, juchés sur des pitons. Le peuple corse, longtemps malheureux, et qui ne respire que depuis la souveraineté française, avait choisi pour ses cabanes de pierre sèche, des sites escarpés, écartés, hautains, tragiques : il fallait bien tenir sa chèvre près du maquis, ses moutons près du pacage, garder sa famille loin des basses vallées qu’opprimait le Génois, et plus que le Génois la fièvre des marais, loin de la rive qu’écumait le pirate, que le Barbaresque pillait malgré les tours de défense. Or le Génois n’a disparu de l’île que dans la seconde moitié du dernier siècle, et le corsaire y enlevait encore, il y a cent ans, des chrétiens : non-seulement sur le littoral du sud, ouvert de plus près à ses iniquités, mais aussi tout à fait au nord, jusqu’aux environs du cap Corse. L’autre fidèle compagnon des hameaux, l’olivier, connaît peu la greffe et la taille, mais ce n’est pas ici l’arbre chétif du Languedoc. Le climat de la Corse, sous un ciel plus méridional, hors du mistral, dans un bain de mer, accroît mieux les arbres du Midi qu’Avignon, Perpignan, Nîmes ou Marseille.

Il est honteux qu’il n’y ait pas 263 000 habitants sous un pareil climat, le long d’une telle mer, au pied de monts minéraux qui ruissellent de torrents capables d’irriguer les bas lieux. Le Corse, très énergique cependant, n’a jamais voulu se vouer entièrement à la terre, à l’arrosage, aux mines ; il préfère la vie contemplative, le lazzaronisme ; il est chasseur, il est berger, et avant tout gardeur de chèvres.

Depuis que le Corse est Corse, il dépense, ou du moins il dépensait les plus belles heures de sa vie à défendre sa