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GÉOGRAPHIE.

ces 2 000 litres en saison caniculaire en font le fleuve des Amazones de la Corse.

Le Tavignano (80 kilomètres) sort du lac de Nino, dans les mêmes montagnes que le Golo et le Liamone. Uni à la Restonica dont les Corses vantent la pureté merveilleuse, il baigne le pied du grand roc de Corte, la ville centrale de l’île, et va s’engloutir dans la mer Tyrrhénienne, sous le nom de Fiume[1] d’Aleria, au sud et tout près de l’étang de Diane. Son bassin de 83 000 hectares lui fournit 1 300 litres par seconde à l’étiage.

Le Liamone, fort abondant pour ses 40 kilomètres, fut pendant quelque temps le frère du Golo en ce qu’il désigna l’un des deux départements de l’île. Commençant, en hiver du moins, dans les neiges, non loin des premières fontaines du Tavignano, il bondit dans les gorges du pays de Vico, puis, paisiblement, serpente dans une plaine palustre et va se mêler à l’azur du golfe de Sagone.

À ses forêts la Corse n’a pas gardé leur splendeur première : les conquérants, les Génois surtout, ont brûlé la plaine, et le paysan a continué l’œuvre sauvage, allumant les arbustes pour semer dans leurs cendres, et l’incendie gagne souvent les grands bois. Le troupeau du berger nomade, qu’accompagnent des chiens féroces, fait plus de mal encore, les moutons arrachent les herbes dont le tissu retient la terre sur le penchant du mont, la chèvre broute les jeunes pousses, espoir trompé d’une forêt future, et des versants s’écroulent et s’écoulent. De bois solennels, certains districts sont devenus des pierres sans ruisseaux, sans verdure.

Les forêts encore debout en Corse ombragent environ cent mille hectares, bois, roches et clairières. Sur les pentes inférieures, l’empire est au pin maritime et au larix, superbe mélèze qui s’élance à 40 ou 45 mètres. Au-dessus de 1 200 mètres ; la montagne appartient surtout au chêne blanc, au hêtre, à l’érable, au tremble, à l’if, au

  1. L’italien fiume, c’est le latin flumen, le français fleuve.