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GÉOGRAPHIE.

plaine, la montagne s’écarte, ou plutôt le rivage s’éloigne de plus en plus, depuis des milliers d’années. Les roches, sur ce versant de la Corse, ont en moyenne une texture plus lâche que sur le penchant opposé, leurs torrents transportent plus de débris, et ces dépouilles du mont se tassent paisiblement dans une onde que protège de loin l’Italie, et que les vents malmènent peu, tandis qu’ils fouettent brutalement les vagues du littoral de l’ouest.

Une plaine s’est déposée sur ce côté de l’île : plaine qui, dans le lointain des âges, combla des golfes, enterra des pieds de cap ; qui, plus tard, sous les yeux de l’histoire, a transformé des baies en étangs ; qui maintenant remplit peu à peu ces étangs, remblaie des échancrures et amortit en rivières marécageuses les torrents descendus en sautant des rocs de la montagne. De la tour de la Solenzara à Bastia, ce plan peut avoir 80 kilomètres, sur une largeur qui varie singulièrement : là jauniront un jour les plus belles moissons de l’antique Thérapné[1], là sévissent aujourd’hui ses fièvres les plus cruelles, les Corses n’ayant pas le courage d’y dessécher les marais, eux qui, pour bêcher, semer, couper le bois, scier le blé, laissent venir annuellement huit à dix mille Italiens, des Lucquois, qui regagnent leur paradis de l’Apennin, riches de l’argent des insulaires, si quelques pauvres louis sont la richesse.

Sur ce littoral peu sinueux, mal abrité, l’on trouve, de la Solenzara à Bastia : l’embouchure du Travo ; celle du Fiumorbo ; l’étang littoral d’Urbino (750 hectares) dont l’eau salée nourrit de grandes huîtres ; la bouche du Tavignano, près des ruines informes d’Aléria, ville antérieure aux Romains dont Sylla fit une colonie du Peuple-Roi et qui fut ensuite, pendant des siècles, la capitale de la Corse ; l’étang de Diane (570 hectares) ; la bouche du Golo ; l’étang sans profondeur de la Biguglia (1 500 hec-

  1. Un des plus anciens noms de la Corse, qui s’appela aussi Kyrnos.