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FRANCE.

mais ils ne remplissent point, croit-on, de vieux cratères ; ils se seraient logés, disent les savants, dans le vide fait brusquement à travers les roches par une explosion de gaz souterrain. Le lac du Bouchet est cerné de collines qu’on reboise ; à près de 1 200 mètres au-dessus du niveau des mers, il sommeille dans une vasque ronde ayant 3 kilomètres de tour ; profond de 30 mètres au plus, on n’y voit entrer aucune source, on n’en voit sortir aucun ruisseau. Il se trouve à peu près à mi-route entre le Puy-en-Velay et Pradelles, ville qu’on regarde ici comme la cité la plus haute de toute la France : elle n’est pourtant qu’à 1 135 mètres ; mais chez un peuple ignorant comme les Français de ce pays, on ne se soucie guère que du prochain voisinage ; beaucoup d’hommes du Centre ne connaissent même pas de nom les Alpes, comment auraient-ils entendu parler de Briançon (1 324 mètres), de Montlouis (1 513 mètres) et de vingt bourgs de Savoie, de Dauphiné, de Cerdagne bien plus rapprochés des nues que Pradelles ?

Au nord du Puy, au-dessus d’Allègre, un mont isolé, le cône de Bar (1 167 mètres), visible de très loin, renfermait un lac, mais ce lac n’est plus, qui pouvait avoir 1 500 mètres de tour et 40 de profondeur ; en dedans et en dehors les parois de sa coupe se sont revêtues de hêtres superbes qui font un bois sonore, car les vents de l’horizon soufflent nuit et jour, été comme hiver, sur la haute forêt du cratère du Bar.

Le Bois de l’Hôpital, à quatre kilomètres au nord-ouest du lac de Bouchet, est le sommet majeur des monts du Velay ; comme il a pour assise un plateau de 1 000 à 1 200 mètres d’altitude, ce n’est en apparence qu’une haute colline, en dépit de ses 1 423 mètres. Il en est ainsi de tous ces vieux volcans ; les monts Vellaves n’ont de majesté que pour qui les fixe d’en-bas, du gouffre où passe l’Allier, du précipice où passe la Loire, et même de ces deux bas-fonds on n’aperçoit guère que des talus raides cachant la vraie montagne. Mais les gorges de cette