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FRANCE.

des hameaux y sont devenus ruine ou maison seule, ou simple souvenir, et même oubli. Dans la Lozère et dans presque toutes les Cévennes, trois choses ont diminué ou disparu, l’humus, les prés, les sources. Jadis telle fontaine cévenole bramait, pour parler avec le patois de ces lieux, c’est-à-dire qu’elle chantait ou du moins murmurait sous un dais de feuillage ; maintenant elle est tarie, ou bien elle monte hors de l’ombre des arbres, tristement, gans ronds, sans tourbillons, sans éclat, sans chant, sans murmure, d’une prairie chauve, d’un talus désossé, d’un cailloutis, d’un roc terne sans chevelure et sans panache.

La cime de la Lozère, le mont de Finiels (1 702 mètres), s’élève au nord de la ville de Pont-de-Montvert, traversée par le Tarn naissant. Vraie muraille de divorce des eaux, ce mont alimente le Tarn, il envoie un torrent au Lot, il donne naissance à l’Allier, rivière du bassin du Rhône. De son sommet, on voit les causses du Gévaudan, la Margeride, les monts d’Aubrac, les monts de l’Ardèche, les monts du Velay, la plaine du Rhône, les Alpes dauphinoises, le Bas-Languedoc, la Méditerranée, et même, dit-on, les Pyrénées franco-catalanes. Le pic de Malpertus (1 683 mètres) dont un versant porte la source du Tarn, est à peine inférieur au mont de Finiels.

De la Lozère on descend au col de Tribes (1 175 mètres), ouvert entre le Lot, qui n’est ici qu’un ruisseau dans les pierres, et l’Altier qui, de torrent en torrent, arrive au Rhône ; de ce col on monte la Chaîne du Goulet, granits de 1 499 mètres de haut qui renferment les fontaines du Lot ; puis, du Goulet, on descend sur le Causse de Monthel : Celui-ci, granit aride, s’attache à l’ouest au Palais du Roi, à l’est à la Forêt de Mércoire[1] (1 501 mètres), source de l’Allier.

À cinq ou six lieues en ligne droite au nord-est de la forêt de Mercoire, aux sources de la vagabonde Ardèche,

  1. Corruption de Mercure.