Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/431

Cette page a été validée par deux contributeurs.
428
GÉOGRAPHIE.

avenir. On le parle à l’occident d’une ligne qui part de la Manche entre Saint-Brieuc et Paimpol, et passe entre Loudéac et Pontivy et finit sur l’Océan à l’estuaire de la Vilaine. Le Finistère tout entier, moins les villes, la grande moitié du Morbihan, la petite moitié des Côtes-du-Nord sont maintenant le seul domaine du breton : sur les 3 400 000 hectares et les 3 millions d’habitants de l’Armorique, l’antique langue ne règne plus que sur 1 300 000 à 1 400 000 hectares, et sur 1 100 000, ou peut-être 1 200 000 hommes.

C’est, suppose-t-on, par une colonisation normande que la Bretagne bretonnante commença de céder la place au roman du Nord. Dans toute la partie française de l’Armorique, même en pleine Ille-et-Vilaine, et jusque près des frontières de la vieille Normandie, les noms de lieux purement bretons abondent, notamment ceux qui commencent par lan, c’est-à-dire pays, terre ; par plé, pleu ou plou, c’est-à-dire peuple, population, village ; ou par tré, c’est-à-dire trêve, paroisse : tels Tréhorenteuc dans l’arrondissement de Ploërmel ; Plélan et Treffendel dans celui de Montfort ; Pléchâtel, Guichen, Guipry, Pipriac, Lohéac, dans celui de Redon ; Langoué, Lanrigan, dans celui de Rennes ; Landavran dans celui de Vitré ; Landéan dans celui de Fougères ; Plerguer, Lanhélin, Tréméheuc, Baguer-Morvan, Minihic, Pleurtuit, Plesder, Pleugueneuc, Tinténiac, Trévérien, Trimer, dans celui de Saint-Malo. Ce sont là d’infaillibles témoins de ce qui fut, de ce qui n’est plus. À l’opposé de la Normandie, entre Nantes et Vannes, notre langue dévore également tronçon par tronçon sa rivale, comme le prouve Piriac, qui ne parle plus le breton depuis cent à cent cinquante années, et Batz, où moins d’un millier d’hommes le savent encore, îlot celtique perdu dans la mer française à huit ou dix lieues des villages bretonnants les plus rapprochés. Dans ce qui lui reste encore, l’ancienne langue des bardes, le breizad, n’est point homogène ; elle a quatre grands dialectes, le trécorien, dans le pays de Tréguier