mais ce lit où passerait l’Amazone lui-même[1] renferme, en même temps que les eaux vertes, des hauts-fonds, des grèves, des îles nombreuses : l’ampleur moyenne des bras réunis est de 900 mètres.
Il dévore le Neckar à Mannheim, le Main à Mayence, puis pénètre à Bingen dans un défilé célèbre, entre des monts schisteux portant des burgs[2] effondrés au pied de roches austères où la Sirène du Nord, l’Ondine, la Lorelei des légendes attirait en chantant les nochers dans ses cavernes humides. À Coblence il reçoit la Moselle, puis va laver les quais de Cologne.
Mais peu à peu sa fureur s’est apaisée, les montagnes qui le forçaient se sont écartées et sont devenues collines, puis ces collines : elles-mêmes s’effacent, et le fils de la Suisse entre dans les marais de la Hollande. Boileau a fait naître le Rhin « entre mille roseaux » ; c’est dans le pays des joncs au contraire qu’il s’achève. Après avoir bu des glaciers, ses eaux ne reflètent plus que des prés, des maisons, des moulins à vent, des barques, des navires ; il mêle ses bras aux bras de la Meuse et s’engloutit dans la mer du Nord, sous le nom de Meuse, au sud de la Haye, en aval de Rotterdam. Quand le hasard des batailles nous fit les maîtres de l’Europe, nous eûmes là un département des Bouches-de-la-Meuse : le vrai nom c’était Bouches-du-Rhin, pour répondre à Bouches-du-Rhône.
Le Rhin engloutit en moyenne dans la mer 1 915 mètres cubes par seconde : plus ou moins que le Rhône, suivant qu’on accorde au fleuve français un volume de 1 718, de 2 000, de 2 603 mètres…
Dans ses vastes ondes helvétiques et allemandes, le Rhin supérieur porte quelques gouttes d’eau française, car l’Aar reçoit la Thielle, rivière de 62 mètres cubes par