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FRANCE.

damment, sur cette rive altérée, descendent à une grande profondeur dans le sol, puis elles fuient du continent pour aller surgir du fond même de la mer, après avoir glissé de grotte en grotte dans les veines de la pierre sous l’ourlet des monts littoraux. Elles mêlent ainsi leur eau douce à l’immensité du gouffre amer sans avoir égayé les cirques, les ravins, les effondrements du rivage par la fraîcheur de leurs fontaines et le murmure de leurs courants. On connaît plusieurs de ces rivières perdues pour la sèche Provence : telles celle de Port-Miou, voisine de Cassis et faite peut-être des eaux qu’absorbent, près d’Aubagne, des paluns ou marais qui furent un des lacs de l’Huveaune ; celle de la Ciotat, qui vient sans doute des orages bus par les entonnoirs du Plan de Cuges, bassin fermé ; celle de Saint-Nazaire ; celle de Cannes, qui naît sous le poids de 162 mètres d’eaux marines.

La presqu’île du Cap Sicier, littoral d’une splendeur magique, harmonieusement dentelé par les caps et les calanques, a pour éperon le cap Sicier, haut de 360 mètres. À cette presqu’île est soudée l’étroite péninsule du cap Sépet, qui sépare de la mer les rades de Toulon, grand port de guerre français de la Méditerranée. Assise près de la pittoresque Dardenne, au pied du Faron, mont escarpé de 545 mètres d’où l’on voit les Alpes, d’où l’on devine la Corse, Toulon commande une rade vaste et sûre, divisée en deux bassins : la petite rade ou rade intérieure ayant à son bord Toulon et la Seyne, port de construction, et la grande rade ou rade extérieure, défendue de la haute mer par la presqu’île du Cap Sépet. À Toulon se forma, voici cinquante ans, l’escadre de six cents navires qui allait prendre Alger et nous ouvrir le continent où nos destins rajeuniront.

La rade très ouverte de Giens suit la grande rade de Toulon ; puis viennent les hautes collines de la presqu’île de Giens, ancienne île qu’ont rattachée au littoral deux langues de sable enfermant un marais salant nommé l’étang des Pesquiers.