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GÉOGRAPHIE.

charmante Aubenas. Au-dessous de Vallon, ses belles eaux vertes suivaient un lit reconnaissable encore à une grande hauteur au-dessus du torrent ; elles passent aujourd’hui sous le Pont d’Arc, cintre creusé par elles ou dont elles ont profité. Le Pont d’Arc est une arche de 82 mètres de flèche, de 54 de portée ; il livre passage à l’Ardèche, mais à l’Ardèche seule : point de prairie, ni cailloux, ni sentier entre le roc et l’eau. Sans l’ancien canal que la rivière peut encore emprunter quand elle gonfle immensément, elle serait presque capable de monter jusqu’à la clef de voûte de ce pont prodigieux de la nature, L’Ardèche est, en effet, le torrent français où les trombes jettent brusquement le plus de flots sauvages. Son bassin qui n’a que 240 000 hectares a décoché contre le Rhône 7 900 mètres par seconde, le 15 septembre 1857, précisément le jour où, tout près de là, le Doux et l’Erieux roulaient ensemble 6 100 mètres. Ainsi, trois rivières, — disons comme en Berbérie, puisque les mêmes choses veulent un même nom, — trois oueds que la canicule réduit à 20 mètres cubes, et quelquefois à 10, tous les trois réunis, ont lancé sur le Rhône, devenu pour un moment leur vassal, un déluge de 14 000 mètres cubes à la seconde, sept cents fois l’étiage ordinaire, quatorze cents fois le maigre extrême ! Et l’on connaît à l’Ardèche une expansion plus terrible encore, en 1827 : cette année-là, le torrent dépassa l’étiage de plus de 24 mètres à l’étranglement du pont de Gourniès ; pourtant la crue venait presque en entier du seul Chassezac, affluent de 75 kilomètres. Du Pont d’Arc au Rhône, l’Ardèche serpente entre les roches, dans des étranglements déserts.

L’Aigues, Aygues ou Eigues vient de monts arides, et il n’y a presque plus de bois sur les versants qui resserrent son cours de 100 kilomètres ; elle passe à Nyons et envoie un canal à Orange.

La Cèze (100 kilomètres), rivière cévenole, serpente entre les hautes collines houillères de Bessèges. Accrue d’eau