a poussé de gorge en gorge, en un jour d’inondation, 1 430 mètres cubes d’eaux sauvages par seconde, mais presque tout le long de l’année ce torrent, très sinueux, très encaissé, très clair, a peu d’abondance.
L’Isère (290 kilomètres), emplie par les torrents de vastes glaciers, est une fort grande rivière. Au-dessous de Grenoble, en aval du confluent du Drac, elle roulait encore 105 mètres cubes d’eau par seconde aux eaux les plus basses qu’on lui ait connues : c’est trois fois l’étiage de la Garonne à Tonneins, plus de trois fois celui de la Seine à Paris. Malheureusement, aucun lac ne purifie ce puissant courant grisâtre qui se mêle difficilement au Rhône, tellement que sous le pont de Valence, c’est-à-dire à 6 000 mètres en aval du confluent, on reconnaît encore le fleuve et la rivière. Il faudrait à l’Isère un Léman dont le seuil serait au Bec de l’Échaillon, quand elle a déjà reçu l’Arc et le Drac, ces grands rouleurs de débris schisteux.
L’Isère est savoisienne, puis dauphinoise, dans un bassin de près 1 200 000 hectares. Les montagnes de trois à quatre mille mètres qui se pressent autour du col d’Iseran sont panachées de glaciers qui descendent jusqu’à 1 900 mètres : aux eaux laiteuses de ces longs frimas commence la rapide Isère. Il y a beaucoup de crétins dans son bassin supérieur, nommé la Tarentaise, notamment dans les environs de Bozel et dans les gorges dont un village porte le triste nom de Villard-les-Goîtreux. Le premier hameau qu’elle touche est à 2 272 mètres au-dessus des mers ; le premier bourg, Val-de-Tignes, à 1 849 mètres ; elle baigne Moutiers, coule près d’Albertville, reçoit des nants et des dorons[1], s’unit à l’Arc, aussi grand qu’elle, et quitte la Savoie pour le Dauphiné dans une vallée reliée à Chambéry et au lac du Bourget par un col où peut-être passa le Rhône. Là, elle marche d’abord
- ↑ Ces deux mots veulent dire torrent.