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GÉOGRAPHIE.

haut, moins soleilleux, plus rude, plus froid, qui ne regarde pas le midi comme le bord helvétique, mais le plein nord, des châtaigniers, des noyers magnifiques, des forêts de cerisiers, de hautes vignes, des prairies font la parure des villages ; Évian, ville de bains, et Thonon, ses deux seules cités, n’ont point la gaîté de Lausanne, de Vevey, de Montreux, de Clarens, qui brillent vis-à-vis d’elles sur le rivage vaudois.

L’arc de cercle du Léman se termine à Genève. Là le Rhône sort de la petite mer intérieure par des eaux d’un bleu merveilleux, l’idéal d’une rivière à la fois limpide et rapide. À l’étiage absolu, ce déversoir épanche encore 65 à 70 mètres cubes par seconde ; 82 à l’étiage ordinaire ; 200 en basses eaux, 575 en grande crue, 270 pour la moyenne de l’année : et en s’en tenant à ce dernier volume, en le supposant toujours le même pendant onze années, il faudrait tout ce temps au lac pour se vider s’il ne recevait, du premier au dernier jour, ni flot de torrent, ni goutte de pluie, ni flocon de neige, ni cristal de grésil.

À peine sorti de la conque du Léman, le fleuve passe, à l’étiage extrême, de 65 ou 70 à 100 mètres cubes d’eau par l’arrivée des flots jaunes de l’Arve. Les deux grands courants, l’Arve terreux, le Rhône azuré, se frôlent d’abord sans s’unir : quand le mariage est consommé, le fleuve a perdu sa transparence bleue.

À son entrée en France, le Rhône, déjà très abondant, a reçu en Suisse les eaux de 103 700 hectares de glaciers, et par l’Arve la plus grande part des frimas du Mont-Blanc. Chez nous, : il est d’abord tourmenté par l’intime rapprochement du Jura et des monts de la Savoie ; longtemps leurs parois l’étranglent. Au-dessus du fort de l’Écluse, près de Bellegarde, il disparaissait même en eau basse dans des cavernes crayeuses, entre le mont Vuache ou Chaumont et le Grand Crédo. Dans les eaux ordinaires, le fleuve, montant le long des parois, cachait cette lacune apparente de son cours, la Perte du Rhône, qui n’existe