Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
325
FRANCE.

puissant, croit-on, de plus de 30 milliards de mètres cubes, abreuverait pendant au moins dix-huit mois la Seine telle qu’elle passe devant Paris. Le Mont-Rose, dont une cime (4 658 mètres) est inférieure au seul Mont-Blanc dans toutes les Alpes, lui décoche la Vièg, qui, de par les 30 000 hectares de glace de son bassin, l’emporte peut-être au confluent sur le Rhône. La Navisanche, la Borgne, la Dranse du Valais, qui a 15 362 hectares de glace éternelle dans un bassin de moins de 64 000 hectares, lui mènent les eaux des glaciers étincelants accrochés à la magnifique chaîne qui, du Cervin au Mont-Blanc, sépare le Valais du Piémont. Vers Sierre, au-dessus de Sion, capitale du Valais, la langue germaine disparaît et le Rhône est déjà français par l’idiome de ses riverains. Vers Saint-Maurice, il quitte sa vallée supérieure par la Porte du Valais, passage étroit entre deux belles montagnes, la Dent de Morcles, pic vaudois, et la Dent du Midi, pic valaisan, puis il court vers le lac de Genève ou Léman, à travers une plaine marécageuse qu’il a lentement fondée, que toujours il augmente. De ce côté d’amont le Léman a perdu 8 kilomètres ; du côté d’aval il en a perdu 15, de Genève au fort de l’Écluse.

C’est près du fameux château de Chillon que le Rhône entre dans le lac de Genève après avoir reçu les eaux de 265 glaciers. Le lac de Genève ou Léman, suisse par sa rive septentrionale, est savoisien et français par presque toute sa rive méridionale. Dans un cirque de montagnes d’une grande magnificence, Alpes, Jura, Jorat, sa longueur est de 75 kilomètres, et jadis elle fut de plus de 100 ; sa largeur varie entre 2 181 et 13 935 mètres ; son pourtour est de 152 kilomètres, sa surface de 57 784 hectares ; ayant 334 mètres de plus grande profondeur et 375 mètres d’altitude, il ne descend pas tout à fait au niveau de la mer. Ses bords charmants, sous un climat tempéré par l’abri des monts et par les eaux du lac lui-même, se relèvent au nord en coteaux qui portent les meilleurs vignobles de la Suisse. Sur le rivage français, beaucoup plus