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FRANCE.

est sa monotonie. Pour toute verdure estivale elle a ses vignes, çà et là quelques arbres, et des peupliers le long de ruisseaux qui sont des fossés secs pendant huit mois de l’année et pendant quatre autres mois des passages d’eau jaune ; ses raisons sont en cailloux de rivière ou en briques parfois plaquées d’une chaux menteuse qui s’écaille et tombe. Les champs, au lieu de haies vives, ont pour bordure des talus, et souvent des murs de terre avec des chapiteaux de brande sans lesquels la pluie délaierait de haut en bas ces misérables remparts. Des nuages de poussière volent en été sur cette plate campagne où la chaleur du ciel est lourde, où le sol réverbère, sur ces longues routes droites, ces bourgs, ces fermes, ces tuileries qui sont l’officine de la seule pierre à bâtir qu’on puisse extraire de l’alluvion toulousaine. Une rangée de coteaux serre la rive droite du fleuve, mais n’y mire point de rocs, point d’escarpements ; elle est basse, écrasée, nue, jaunâtre. Éclatant contraste à la banalité des champs poudreux, les pics des Pyrénées, que le Vallier commande, scient l’horizon d’entre Espagne et France. Dans les jours de grand soleil, qui ne sont point rares au pays de Toulouse, leurs neiges sublimes parlent de fraîcheur, d’air pur, d’eau ruisselante aux habitants de la plaine enflammée.

La Garonne y touche Muret, elle y recueille l’Ariège, elle y traverse Toulouse, ville de briques tirant du fleuve, déjà très large, le mouvement de beaucoup d’usines. Après Castel-Sarrazin, puis au-dessous de la rencontre du Tarn, la vallée, plus féconde encore, sépare de superbes coteaux, vignobles où fleurissent le prunier et le pêcher. L’opulence du sol, la hauteur, la beauté des collines, la gaieté du ciel, assurent aux bords de la Garonne le prix sur les rives de la Loire. Le « jardin de la France » est devant Agen, à Port-Sainte-Marie, à Aiguillon, à Tonneins, à la Réole, à Saint-Macaire, bien plus qu’à Blois, Amboise, Tours ou Langeais.

En aval du confluent du Lot se suivent Tonneins, l’une