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FRANCE.

par les gouffres du Bandiat et de la Tardoire. Entre ces pertes et les fontaines de la Touvre, un Léman noir, un lac inconnu sert de régulateur à l’heureuse Charente. On estime qu’à l’issue de son bassin d’un million d’hectares, sur lesquels le ciel verse 850 millimètres de pluie par an, ce fleuve porte en moyenne 95 mètres cubes d’eau par seconde à la mer.

Le bassin de la Charente ne communique avec aucun autre bassin par des canaux navigables : il n’est en relations ni avec la Loire ni avec la Garonne.


3o De la Charente à la Gironde. — Des marais salants inoffensifs, des marais gâts[1] funestes pour peu qu’on ne les ait point parfaitement desséchés, des marais d’eau douce qui sont une officine de fièvres, des laisses de mer non conquises encore par des digues, tel est le rivage insalubre qui va de la Charente à la Seudre. Là fut Brouage, peut-on dire, quoique Brouage existe encore : par les atterrissements et par la surrection du sol, cette patrie de Champlain, fondateur de Québec, a tout perdu en perdant son port qui passait pour un des meilleurs de Saintonge ; elle a gardé ses remparts, mais il n’y a pour animer ses rues que quelques habitants, le peu de matelots naviguant sur le canal de 2 mètres 60 centimètres de profondeur qui relie le bourg, d’une part à la mer, d’autre part à la Charente, et les soldats d’une petite garnison qu’en changeait naguère tous les cinq jours, tant ces lieux étaient miasmatiques (et ils n’ont pas cessé de l’être).

La Seudre (80 kilomètres), faible ruisseau sans affluents, devient tout à coup, en aval de Saujon, un fleuve large de 400 à 800 mètres en mortes eaux, de 1 000 à 1 500 en eaux vives, assez profond pour les grands vaisseaux. Sans les bancs de sable et la redoutable mer de son embouchure, on aurait voué son estuaire aux établis-

  1. Gâtés : on nomme ainsi d’anciens marais salants qu’on transforme d’habitude en prairies.