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FRANCE.

au calcaire après avoir touché la colline de Nontron. Ses gouffres, ses suçoirs, tous sur la rive gauche, ont plus de grandeur que les fissures de la Tardoire. Le gouffre du Gros-Terme, sous les peupliers, les noyers et les frênes, est un cirque plein d’herbes ; sans une levée qui en écarte la rivière, le Bandiat ne dépasserait ce coude que dans la saison des longues pluies ou par le hasard d’un grand orage. Sans une autre digue, il en serait de même au-dessus du pont de Pranzac, à un nouveau coude où les failles sont cachées, par des touffes d’orties. Plus bas, le Gouffre de Chez-Roby est le plus beau de tous : une muraille y retient aussi le Bandiat dans son lit, quand toutefois le Bandiat coule jusque-là. Lorsque le ruisseau de Nontron devient torrent parce que la neige a fondu sur les petites montagnes du Limousin, parce que l’hiver ou que l’été, dans une soirée de tonnerre et d’éclairs, a débondé les cataractes du ciel, alors le Bandiat s’emplit malgré les pertes d’amont ; il dépasse le mur et tombe en cascade dans un ravin plein de blocs et de cailloux ; puis, arrivé contre, la roche, au bout d’une impasse, il fuit sous terre dans les collines qu’habille la forêt de la Braconne. Il faut de fortes crues pour le mener jusqu’à l’effondrement dans des terres rouges qu’on nomme le Trou de Gouffry ; des crues plus fortes encore pour qu’il atteigne les gouffres de la Caillère : les deux premiers sont des affaissements d’un sol caillouteux, les deux suivants des trous béants ; le dernier, crible de roches où les eaux entraînent des herbes, des rameaux, des débris, des pierres, engloutit dans une sourde cascade les flots troubles amenés à l’improviste par l’un des deux torrents que la terre d’Angoumois aspire et soutire. Quelquefois le Bandiat, grâce à la pluie ou grâce à l’averse, va rejoindre la Tardoire, à Agris, après 85 kilomètres de course.

Les eaux des deux rivières descendent ainsi dans l’abîme et vont courir en torrents ou s’épandre en lacs