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FRANCE.

Le Morbihan, qui a, dimensions extrêmes, 17 kilomètres sur 40, tire son nom, nullement français, tout à fait breton, de mor, la mer, et de bihan, petit. Ce golfe de 15 à 20 mètres de profondeur à marée basse, entre des rives de granit extraordinairement indentées, à des centaines de roches et d’îlots et cinquante îles cultivées ; l’une d’elles, en breton Gavr’enez ou Gavr’iniz, en français l’île de la Chèvre, est célèbre par son galgal, tumulus qui recouvre un grand dolmen ; dans la chambre de ce dolmen, sur les parois du roc, des mains barbares tracèrent des hiéroglyphes en relief qu’on n’a point encore déchiffrés. L’Océan remplit presque à lui seul le Morbihan ; dans ses chenaux innombrables, sur ses béhins, qui sont des champs de vases noires, il ne passe guère que de l’eau salée, tant sont petits les tributaires de ce golfe : l’un d’eux passe à Vannes.

Entre le Morbihan ou Petite meret le Morbraz ou Grande mer, la presqu’île de Ruis baigne dans un climat d’une extrême douceur : le laurier-rose, le grenadier, l’aloès, arbres d’Afrique, y viennent en pleine terre, non par le soleil qui luit sur l’Atlas, mais par les vents humides que l’Atlantique souffle sur cette péninsule de 11 000 hectares où l’on ne compte pas les mégalithes.

La Vilaine (250 kilomètres), l’un de nos fleuves côtiers les plus longs, est celui qui a le bassin le plus vaste après l’Adour et après la Charente : elle rassemble les eaux de 960 000 hectares, tandis que la Charente, fille des collines, en égoutte un million et l’Adour, fils des Pyrénées, environ 1 700 000.

La Vilaine ne doit point ce nom fâcheux à des eaux ternes ou bourbeuses dans une vallée sans agrément ; c’est la malencontreuse corruption de Visnaine, comme on disait au moyen âge. Ses premières eaux lui viennent du trop-plein de quelques étangs. Elle longe d’abord la sombre colline d’ardoises de Vitré, ville qui a fidèlement gardé le noir aspect d’autrefois, les rues tortes, les ruelles obscures et biscornues, les impasses, les carre-