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GÉOGRAPHIE.

monolithes isolés ou plantés en avenues ; des croumlechs[1], enceintes de menhirs rondes ou semi-circulaires et rarement carrées ; des dolmens[2] et des allées couvertes, chambres de pierres, blocs sur blocs sans ciment, une dalle énorme ou plusieurs dalles formant toiture sur des piliers bruts ; des tumulus, buttes arrondies ou elliptiques recouvrant un dolmen ; des galgals, tumulus de petites pierres ou de gros cailloux. Ces monuments rudimentaires, généralement faits de granit, on les avait nommés druidiques : on croyait que les dolmens, par exemple, étaient des autels de sacrifice ; même on cherchait et l’on trouvait sur leur table les rigoles où coulait le sang des victimes. On croit savoir aujourd’hui que les dolmens, les tumulus, les galgals furent des tombeaux et que ces sortes de monuments sont de tous les lieux et de tous les siècles ; il y en a dans les cinq parties du monde : en Sibérie, en Judée, dans l’Inde, aux îles Mariannes, en Afrique, notamment par milliers dans notre province de Constantine ; on en éleva toujours, et maintenant encore des tribus sauvages marquent par une pierre debout ou par un cercle de blocs la sépulture des chefs, la limite des territoires, le champ d’une bataille ou tel autre lieu consacré pour eux. À l’île de Pâques, en Océanie, loin de toutes les terres, un peuple disparu tailla dans la lave des têtes colossales, et ces têtes il les planta par le cou dans le sol, en rangs, en groupes, en cercles, comme les Bretons plantèrent leurs menhirs.

Les alignements de Carnac, qui s’ajustent à ceux d’Erdeven, sont le plus extraordinaire témoin de ce passé douteux. Là se dressaient onze rangées de menhirs faisant dix avenues : cinq à six cents de ces granits, reste de douze à quinze mille, dit-on, se lèvent encore dans la lande, sur le sable, entre des bruyères et des genêts, au vent de la mer qui est un chant grave, au murmure des pins, vague et

  1. Mot breton qui veut dire lieu courbe.
  2. Mot breton qui veut dire table de pierre.