encore la légende, dans les ruines de ses demeures, sous les eaux de l’étang de Laoual, près de la pointe du Raz, au bord de la baie des Trépassés, dont l’histoire est aussi lugubre que le nom. — C’est là que les remous de ses ondes amènent les cadavres des noyés et les épaves des navires. — Toutefois la tradition fixe mal ce tombeau d’une ville ; elle le met aussi sur le plateau du cap de la Chèvre ; ou quelque part sous la vague du golfe de Douarnenez ; ou ailleurs encore, au bord de l’Iroise, que les Bretons nomment le canal d’Is.
À six ou sept kilomètres de la pointe du Raz, l’île de Seins ou de Sizun, longue de 2 500 mètres au plus, n’a que 56 hectares avec 650 habitants. Des flots tumultueux, des écueils, une écume dont l’embrun cache l’île à la mer et la mer à l’île, pas d’arbres, quelques épis d’orge, des landes nues où souffle un vent qui porte avec lui la fraîcheur de l’Océan, l’odeur marine et le fracas des larges eaux vertes, une roche branlante et deux menhirs, voilà Seins, dont les habitants, aujourd’hui pêcheurs et sauveurs de naufragés, furent jusqu’au siècle dernier, des sauvages, des briseurs de navires, des « démons de la mer, » que vint convertir un missionnaire breton. Avant les Romains, et de leur temps encore, sinon même après eux, neuf vierges habitaient cette île ébranlée par l’Océan : prêtresses de la religion des druides, elles en célébraient les rites sous la lune voilée de l’Armorique ou au flambement des torches, elles disaient l’avenir, elles enchaînaient la tempête ; et Seins était un sanctuaire des Celtes.
La nature terrible de la Cornouaille se continue au delà du passage du Raz et des granits grisâtres de l’Enfer de Plogoff, le long des sables fins de la baie d’Audierne[1], qui n’est point une baie, mais une légère courbure en arc de cercle. Il n’y a ni villes, ni hameaux, ni prairies, ni moissons, ni jardins sur sa rive sans arbres ; on y est seul avec les fureurs de l’Atlantique, et peut-être avec ses
- ↑ Le vrai nom, le nom breton, est Oddiern.