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GÉOGRAPHIE.

rines et la tangue, vases calcaires merveilleusement utiles à la vieille presqu’île, où précisément le calcaire manque.

En suivant cette mer qui sait parfois sourire, le voyageur rencontre successivement : l’île de Bréhat (1 100 habitants sur 309 hectares, îlots compris), qui commande l’estuaire de la rivière de Guingamp ; le Trieux (72 kilomètres), navigable depuis Pontrieux ; les Épées de Tréguier, si néfastes avant que brillât sur leurs galets la lumière du phare des Héhaux ; l’estuaire du Tréguier (55 kilomètres), qui porte des bateaux jusqu’à la ville de ce nom ; l’embouchure du Guer ou Léguer (70 kilomètres), rivière encaissée, tortueuse, praticable aux navires à partir de Lannion ; l’estuaire du Dossen, qui mène jusqu’à Morlaix des navires de 300 à 400 tonnes ; l’estuaire du Penzé, (50 kilomètres) ; Saint-Pol-de-Léon, récemment encore menacé par la marche des dunes : cette ville, célèbre en Bretagne par un clocher d’une légèreté grande, est si calme, si déserte que les gens de Morlaix, cité plus vivante, disent railleusement : Nous sommes à trois cents lieues et à trois cents ans de Saint-Pol.

On voit ensuite Roscoff, port de marins vaillants, sous un climat d’une rare douceur, sur un sol d’une extraordinaire fertilité, singulièrement riche en primeurs qu’on se dispute à Paris, chez les Néerlandais et en Angleterre, surtout en Cornouaïlle. Un chenal de peu de profondeur à basse mer sépare cette ville d’une île dont les femmes sont grandes et belles, Batz, granit de 307 hectares avec 1 200 âmes, terre nue sauf des tamaris : nos grands-pères auraient élégamment nommé ce rocher l’empire d’Éole : on y a vu les vents arracher la semence aux sillons. De l’île de Batz à la fin de la Manche, l’Aber-Vrach et l’Aber-Benoît[1], faibles ruisseaux que termine un estuaire, entrent en mer sur une côte jadis impie, quand ses riverains allumaient des feux la nuit pour égarer les vaisseaux ; puis,

  1. Le mot breton aber est notre mot havre.